A la rencontre de
Samy Azaiez : Ma sclérose en plaques ? Je l’ai plaqué !

Aujourd’hui le 18 mai est la journée mondiale de la lutte contre la Sclérose En Plaques, mieux connu sous l’acronyme SEP. C’est peut être un mot qui ne vous dit rien à vous, mais qui fait l’enfer de quelques 2 millions hommes et femmes dans le monde entier dont 6.000 en Tunisie.
C’est quoi la SEP ?
La Sclérose en Plaques est une maladie neurologique chronique qui touche le système nerveux central (cerveau et moelle épinière النخاع الشّوكي). Cette maladie provoque la destruction par plaques de la gaine de myéline qui entoure les fibres nerveuses et croyez-moi, on a besoin de toute notre myéline. Cette destruction laisse des cicatrices sclérotiques (تصَلُّب أوْ تلَيُّف) et peut toucher tout le système nerveux central et selon le territoire (sensitif ou moteur) découlent les divers symptômes.
Elle touche préférentiellement les sujets jeunes âgés de 20-40 ans.
Quels sont les symptômes de la SEP ?
Comme son nom l’indique, ce n’est pas une seule plaque, mais plusieurs. Ça veut dire que les symptômes sont variés :
- des troubles sensitifs à type de fourmillements (تنميل) perte de sensibilité, augmentation de la fatigue sous l’effet de la chaleur…
- des troubles moteurs : faiblesse musculaire, perte d’équilibre, paralysie…
- des troubles cognitifs : difficulté de concentrations, trouble de mémoire…
- des troubles de la vision : flou, diplopie (voire en double)…
Tous ces signes et plusieurs autres sont variables d’un malade à un autre et évoluent imprévisiblement par poussées ou crises avec des « guérisons » plus ou moins complètes en dehors de ces crises. Plus la maladie est ancienne plus il y a des séquelles.
Y a-t-il un traitement pour la SEP ?
Pas un seul, mais plusieurs, tous sans impact sur l’évolution de la maladie. Le traitement de cette maladie requiert une approche pluridisciplinaire pour améliorer au maximum la qualité de vie des malades. La corticothérapie aux fortes doses lors des poussées, des immuno-modulateurs, des anti-inflammatoires, kinésithérapie, orthophonie, psychothérapie…
La SEP est une maladie qui nécessite une prise en charge étroite, une surveillance continue et un moral d’enfer. Et en parlant de moral d’enfer, il convient de citer Samy Azaiez, 38 ans, ancien mannequin, éternel globe-trotter, gérant de société Events and Communications LBE, responsable des relations publiques au sein de l’association tunisienne des malades de la sclérose en plaques, et surtout atteint de la SEP depuis 6 ans.
ShinyMen est allé à sa rencontre et a récolté pour vous une interview pleine de foi, d’aspirations et d’ondes positives !
Shinymen : Si vous nous parliez de votre cursus ?
Samy Azaiez : J’ai suivi des études en sciences économiques au campus universitaire à Tunis mais après j’ai plongé dans le domaine de mannequinat qui m’a englouti pendant 7 ans, au début j’ai bossé à Paris, Milan, Hamburg, Madrid… C’était une vie pleine et instable ou chaque 6 mois je pliais bagage, mais après je suis rentré à Tunis en 2001 où je me suis lancé dans la franchise de Elite Model Look et le model management. J’ai eu l’honneur d’être parmi ceux qui ont lancé des mannequins tunisiens sur la scène internationale tel que Rim Saidi, Kenza Fourati et Sabrine Ben Amor.
Shinymen : A quelle âge aviez-vous découvert votre maladie et comment était votre réaction?
Samy Azaiez : En 2007. La maladie m’a surprise avec son plus méchant aspect. C’était un début agressif que je n’oublierai jamais. Comment pourrais-je ? C’était exactement le 15 mai, le jour de mon anniversaire. Je me suis réveillé paralysé des 2 jambes. Je ne pouvais plus bouger, je me suis senti comme un poisson sans un bocal. Et je suis resté comme ça pendant 15 jours. Bloqué dans ma chambre.
Shinymen : Mais n’y a-t-il eu aucun signe auparavant ?
Samy Azaiez : Si, il y en a eu, en effet. J’ai eu des fourmillements, des démangeaisons et je suis allé consulter un généraliste qui n’y a vu rien d’alarmant, il n’a fait de rapprochement et m’a juste dit c’est le stress ça Samy, rentre chez toi et prends des vacances ! Et c’est comme ça que j’ai fait ! J’ai pris du Lexomyl et je suis parti en voyage ! Mais 3 ans plus tard, c’est le KO absolu ! Une batterie d’examens, 2 jours intensifs de corticoïdes !
Shinymen : Comment vous portez vous depuis ?
Samy Azaiez : Depuis ma maladie je suis passé par tous les stades, mais maintenant avec ma famille autour de moi hamdoullah j’ai pu accepter ma maladie et ma sclérose en plaques , je l’ai plaqué !
Shineymen : Vous êtes membres de l’Association tunisienne des malades de la sclérose en plaques et vous tenez même un poste important, dites-nous plus !
Samy Azaiez : Cette association quand j’y ai adhéré au début comptait quelques membres et vendait des carte-postales pour collecter les fonds. J’ai voulu faire plus et j’ai décidé de mettre tout mon savoir en marketing et communication au service de cette cause. En 2008, on est parti à Londres et on a pu réaliser les démarches nécessaires pour finalement devenir membre associé de la fédération internationale des associations de la sclérose en plaques (MSIF). Depuis 2008 donc, nous sommes reconnus internationalement. Maintenant on donne des conférences d’informations tous les mois sauf les mois de haute chaleur puisque nous y résistons peu. Nos activités s’arrêtent donc fin mai et reprennent en septembre chaque année. Avec un concept que j’ai monté, on est parti du low budget jusqu’au no budget j’essaie de rentabiliser au max chaque évènement qu’on fait pour collecter le maximum d’argent. Avec mon carnet d’adresse, mes relations et mes amis, on a pu organiser des ventes aux enchères des objets de stars et des défilés. L’année dernière par exemple on a pu collecter 65 milles dinars ! On a acheté avec des chaises roulantes, des matelas et plusieurs climatiseurs ! Notre principal projet maintenant est d’instaurer une unité spéciale des atteints de la SEP. Notre ministre de la santé nous a donné 1500m² à l’hôpita Razi à Manouba et nous avons besoin de 800 milles dinars pour construire cette unité. Ce genre d’unités spécialisées existe partout dans le monde mais pas encore en Tunisie et c’est impératif qu’on le fasse.
Shinymen : On voit que vous êtes très actif dans cette association !! Qu’est-ce qui vous motive autant ?
Samy Azaiez : La raison est dramatique. Ce fut un petit incident au travail qui m’a incité à faire tout ce travail. Je bossais sur un évènement à Hammamet et nous avions besoin d’une association caritative pour des raisons de fonds. J’ai donc, en toute innocence proposé cette association dont j’étais membre. Vous saviez ce que mon collègue a dit ? Il a refusé en disant que c’était dégradant pour l’évènement . Je suis resté bouche bée. Cette personne, supposée moderne et culte, trouvait que cette maladie était trop dégradante pour son monde de bling bling superficiel. Quand on est atteint d’une maladie, la perception des autres est très importante. Si la société ne nous accepte pas, comme est-ce que nous pouvons nous accepter nous-mêmes ! Et c’est la que je me suis promis que cette association serait en avant de la scène des médias et synonyme de bling bling s’il le fallait !
En plus, j’ai trouvé un aspect positif dans le partage de la peine, j’arrive à relativiser et dire que je suis pas seul dans ce combat, et si je me suis réveillé aujourd’hui paralysé d’un bras, je ne suis pas le seul, et il y a tout un monde qui est là pour moi pour m’aider à passer les moments difficiles. Partager me soulage énormément.
Shinymen : Est-ce vous auriez vécu votre vie autrement si vous n’êtes pas tombé malade ?
Samy Azaiez : Absolument pas ! Je suis mille fois plus fort à cause ou plutôt devrais-je dire grâce à cette malade ! Je peux dire que c’est la meilleure pire chose qui aurait pu m’arriver ! Cette maladie m’a appris à faire des risques. Les 15 jours passés au fond de mon lit à chasser les moustiques m’ont remis la pendule à l’heure, je me sens meilleur comme personne. J’ai appris à accepter mon destin, j’ai des moments up et des moments down mais la peur a disparu, la peur du lendemain qui devait être l’essence même de cette maladie puisqu’on sait jamais quand et comment ça va frapper, cette peur a disparu et j’arrive à vivre beaucoup mieux ma vie, avec ma femme qui m’a accepté comme je suis, et ma petite nouvelle-née chérie. Et l’important, c’est de rester positif et remercier le bon dieu !